IV. CHANGE-PEAU

Loup-garou terme réducteur pour ces êtres animal, ces pantins humains conciliant deux natures, deux caractères. L’un est redoutable, suit l’instinct de la nature, les lois de l’antique création, l’autre se meut dans le berceau de la société, travaille, se sociabilise, discute. De l’origine, on connait la louve qui a nourrit Romulus et Remus, deux fondateurs, deux rois : l’un s’est égaré dans les gènes des félins, l’autre dans les gènes des canidés. Deux branches cousines qui se vouent une affection meurtrière.

Les chanceux naissent avec ce gène porteur de la magie bestiale, ils apprennent très tôt selon leur éducation à maitriser leur pouvoir. Les soirs, avant de s’endormir, il n’est pas rare qu’à la place d’une comptine, d’une histoire, les parents incitent à la respiration, aux exercices du corps : ressentir l’être encore calme, cette bête qui sommeille pour, réussir la première transformation vers la puberté, l’adolescence. L’autre option terrifie, une morsure, une blessure, organes déchiquetés et voilà le poison qui se distille, c’est un mauvais choix, un mauvais moment à passer, certain meurent ne supportant pas le poids de la transformation. C’est la loi de la jungle regroupée dans un seul corps.

Ils représentent la vie, celle qui jaillit hors de la silhouette, redonne espoir ; des danseuses que l’on admire sur les planches des opéras pourraient bien être des lionnes aux pas graciles, des hommes combattifs pourraient bien être des loups aux museaux protecteurs. Ils possèdent la guérison facile, d’une entaille au poignet par exemple refermée trois secondes plus tard, d’une plaie infectée, de maladies ignorées. Seul le sang de vampire arrive à posséder les pauvres paralysés, leur donnant rêves néfastes et membres lourds pendant quelques jours. La mort et la vie ne se côtoient pas. Ils ne choisissent pas non plus l’objet de leur transformation, c’est leur caractère qui détermine l’animal : fauves aux dents de sabre comme les tigres, sauvages discrets comme les lynx ou encore panthères silencieuses puis les renards rusés, les coyotes affamés.